La théorie X
âQuelles sont vos hypothĂšses (implicites ou explicites) quant Ă la maniĂšre la plus efficace de gĂ©rer du personnel ?â. âLa thĂ©orie Xâ soutient que les individus sont paresseux par nature et quâil est nĂ©cessaire dâappliquer une mĂ©thode de surÂveilÂlance autoritaire pour les inciter Ă ĂȘtre productifs. La thĂ©orie X Ă©tait considĂ©rĂ©e comme Ă©tant pertinente Ă une certaine Ă©poque mais elle est actuelleÂment dĂ©passĂ©e et ce, pour les trois raisons suivantes :
- Elle utilise des paradigmes obsolĂštes : Des modĂšles hiĂ©rarchiques tels que ceux pratiquĂ©s dans lâarmĂ©e ou lâĂglise catholique ne sont pas compatibles avec les entreprises modernes.
- Elle est ethÂnoÂcenÂtrique : Elle ne tient pas compte du âcontexte politique, social et Ă©conomique de lâentrepriseâ.
- Elle Ă©met des hypothĂšses erronĂ©es au sujet de la nature humaine : Elle suppose par exemple que seul lâexercice de lâautoritĂ© peut contraindre les individus Ă travailler. LâautoritĂ© ayant ses limites, la coopĂ©ration et la persuasion sâavĂšrent parfois plus efficaces.
« Sâil y a bien une hypothĂšse qui rĂšgne au sein de la thĂ©orie orÂganÂiÂsaÂtionÂnelle traÂdiÂtionÂnelle, câest celle qui implique que lâautoritĂ© est un outil essentiel et inÂdisÂpensÂable de contrĂŽle managĂ©rial. »
La thĂ©orie X Ă©value la nature humaine de maniĂšre pessimiste et instaure une relation conÂflictuelle entre le management et les employĂ©s. Les managers qui mettent cette thĂ©orie en pratique estiment que les employĂ©s sont inaptes Ă penser par eux-mĂȘmes et sont incapables dâagir de maniĂšre autonome. Ainsi, ils sont persuadĂ©s de devoir surveiller les moindres faits et gestes de leurs subordonnĂ©s pour le bien de lâentreprise, pensant que ces derniers, ne se prĂ©occupant que de leur salaire Ă la fin du mois, sont rĂ©ticents Ă prendre leurs reÂsponÂsÂabilitĂ©s. En outre, ils considĂšrent que leurs subalternes sont incapables dâavoir une vision globale et quâils se soucient peu de lâĂ©volution de lâentreprise.
« LâautoritĂ©... nâest quâune des diverses formes dâinfluence ou de contrĂŽle social. »
La théorie X repose sur trois principes :
- Les employés ne veulent pas travailler : Les individus éprouvent une aversion innée pour le travail et chercheront à y échapper. La réaction des cadres dirigeants face à la tendance innée des employés à vouloir éviter le travail est de mettre en place des quotas de production, des objectifs de vente et des systÚmes de pointage.
- La contrainte est nécessaire : Il est impératif de contraindre et de menacer vos employés pour que votre entreprise atteigne ses objectifs. Seules les sanctions et non les récompenses motivent les individus.
- Les employĂ©s prĂ©fĂšrent cĂ©der le contrĂŽle : Ils fuient les reÂsponÂsÂabilitĂ©s. Leur seule prĂ©occupation est dâavoir un travail stable et un salaire rĂ©gulier.
En quoi la théorie X est erronée
En rĂ©alitĂ©, le climat dâinsĂ©curitĂ© rĂ©gnant dans les entreprises adeptes de la thĂ©orie X freine la propension naturelle des employĂ©s Ă vouloir se dĂ©passer. En effet, les individus se sentent bridĂ©s si leur management limite les possibilitĂ©s de donner libre cours Ă leur crĂ©ativitĂ©. Si les colÂlabÂoÂraÂteurs considĂšrent que leur emploi est prĂ©caire, leur prĂ©occupation principale sera dâassurer leur survie.
« LâautoritĂ© est un moyen inadĂ©quat dâobtenir un engagement envers les objectifs Ă atteindre. »
Sâils font preuve de rĂ©ticence lorsquâil sâagit de prendre des risques, câest parce quâils craignent que leurs supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques dĂ©sapprouvent leurs initiatives ou les sancÂtionÂnent.
Les employĂ©s doivent se sentir Ă lâaise pour pouvoir prendre les risques inhĂ©rents Ă toute innovation. La plupart veulent ĂȘtre respectĂ©s, fĂ©licitĂ©s, apprĂ©ciĂ©s et souhaitent que lâon reconnaisse le travail quâils ont accompli. Les individus aspirent Ă appartenir Ă des groupes partageant le mĂȘme sentiment de fiertĂ© et dâĂ©panouisseÂment.
« Le management ne peut offrir Ă lâindividu le respect de soi ou celui des autres, ni mĂȘme la satÂisÂfacÂtion du besoin dâacÂcomÂplisseÂment. »
ParaÂdoxaleÂment, lâidĂ©e que leurs colÂlabÂoÂraÂteurs puissent unir leurs forces reprĂ©sente une menace pour les managers adeptes de la thĂ©orie X. Estimant que cette cohĂ©sion empĂȘchera lâentreprise dâatteindre ses objectifs, ils sâĂ©vertuent dĂšs lors Ă dresser les traÂvailleurs les uns contre les autres au lieu dâencourager la coopĂ©ration.
La théorie Y
Si la thĂ©orie X est erronĂ©e, quelle approche doivent adopter les managers ? La thĂ©orie Y offre une hypothĂšse inĂ©dite : en respectant leurs colÂlabÂoÂraÂteurs et en leur laissant la libertĂ© dâaccomplir, les managers inciteront ces derniers Ă faire preuve dâĂ©thique, de motivation et de discipline. La thĂ©orie Y soutient que ce sont les managers mĂ©diocres, et non les employĂ©s oisifs, qui sont Ă blĂąmer lorsque ces derniers se montrent dĂ©motivĂ©s et peu coopĂ©ratifs.
« La thĂ©orie X dĂ©crit les consĂ©quences dâune stratĂ©gie de management particuliĂšre, sans pour autant expliquer ou dĂ©peindre la nature humaine, bien quâelle prĂ©tende le faire. »
La théorie Y repose sur les principes suivants :
- Les individus nâĂ©prouvent pas une aversion innĂ©e pour le travail : Lorsque les conditions idĂ©ales sont rĂ©unies, les employĂ©s Ă©prouvent de la satÂisÂfacÂtion au travail.
- Il nâest pas nĂ©cessaire de menacer vos employĂ©s : Des employĂ©s motivĂ©s sâacÂquitÂteront de leur travail de maniĂšre autonome et reÂdouÂbleront dâefforts pour atteindre les objectifs fixĂ©s par lâentreprise.
- Les individus apprĂ©cient dâĂ©prouver un sentiment dâacÂcomÂplisseÂment : LâauÂtosatÂisÂfacÂtion par le biais de lâacÂcomÂplisseÂment renforce lâimplication de lâemployĂ© dans la rĂ©alisation des objectifs de lâentreprise.
- Les employĂ©s veulent ĂȘtre reÂsponÂsÂabilisĂ©s : Les individus ne sont pas paresseux par nature, au contraire, ils cherchent Ă assumer des reÂsponÂsÂabilitĂ©s.
- Les individus ont un sens innĂ© de la crĂ©ativitĂ© : Sâils en ont la possibilitĂ©, la plupart des individus se montrent enÂtreÂprenants et inventifs et peuvent contribuer Ă rĂ©soudre des problĂšmes orÂganÂiÂsaÂtionÂnels.
- Les individus sont inÂtelÂliÂgents : Le potentiel dâinÂtelÂliÂgence des employĂ©s est largement sous-utilisĂ© par le management.
Les différences entre la théorie X et la théorie Y
Selon les entreprises prĂŽnant la thĂ©orie X, nul ne doit dĂ©vier de la structure hiĂ©rarchique existante. Prenons lâexemple du processus dâaudit. Lors de lâinspection dâun dĂ©partement, un responsable du contrĂŽle qualitĂ© dĂ©tecte un problĂšme et en avertit son supĂ©rieur. Ce dernier relaie lâinformation au vice-prĂ©sident de la division incriminĂ©e, qui la transmet au directeur de dĂ©partement, lequel Ă son tour appelle le chef de lâunitĂ© dâexÂploitaÂtion dans son bureau pour lâinformer de la mauvaise nouvelle. Ce dernier convoque lâemployĂ© ou les employĂ©s susÂcepÂtiÂbles dâĂȘtre Ă lâorigine du problĂšme. Cette approche contribue Ă instaurer un climat conflictuel car les employĂ©s ignoraient que leur supĂ©rieur hiĂ©rarchique les surveillait.
« Les subordonnĂ©s exigent de se sentir protĂ©gĂ©s lorsquâils se sentent menacĂ©s ou quâils craignent de faire lâobjet de mesures arbitraires, partiales ou disÂcrimÂiÂnaÂtoires. »
Dans une entreprise adepte de la thĂ©orie Y, le responsable du contrĂŽle qualitĂ© aurait directement informĂ© les employĂ©s du problĂšme dĂ©tectĂ©, leur permettant ainsi de le traiter immĂ©diatement. Son rapport aurait nĂ©anmoins empruntĂ© la voie hiĂ©rarchique habituelle, Ă cette diffĂ©rence prĂšs que le problĂšme aurait Ă©tĂ© rĂ©solu avant mĂȘme que ledit rapport nâatterrisse sur le bureau du vice-prĂ©sident. Ainsi, les colÂlabÂoÂraÂteurs apprĂ©cient ce retour dâinformation et prennent conscience que lâentreprise ne cherche pas Ă les sanctionner ou Ă les espionner.
Mettre en application la théorie Y
Voici lâhistoire dâun directeur dâĂ©cole secondaire qui menait une carriĂšre exÂcepÂtionÂnelle et dont les supĂ©rieurs Ă©taient pleinement satisfaits. Des examens normalisĂ©s indiquaient que les Ă©lĂšves de son Ă©tabÂlisseÂment jouissaient dâun excellent niveau. En outre, les parents et les enseignants enÂtreteÂnaient de bonnes relations. Le directeur acadĂ©mique dĂ©cida dâaffecter le chef dâĂ©tabÂlisseÂment Ă un poste adÂminÂisÂtratif afin quâil puisse mettre ses talents au service de la cirÂconÂscripÂtion. Il fut Ă©galement recommandĂ© pour cette fonction par le conseil dâĂ©tabÂlisseÂment suite Ă des entretiens menĂ©s avec une douzaine de candidats qualifiĂ©s.
« De nombreuses caractĂ©ristiques prĂ©tendues esÂsenÂtielles Ă tout dirigeant sâavĂšrent finalement incapables de faire la diffĂ©rence entre un leader compĂ©tent et des leaders peu douĂ©s. »
Le directeur dâĂ©cole se vit offrir une augÂmenÂtaÂtion de salaire considĂ©rable ainsi quâun intitulĂ© de poste imposant. MalÂheureuseÂment, il ne voulait pas de cette nouvelle affectation. Il apprĂ©ciait son travail de directeur dâĂ©cole et lâopportunitĂ© de pouvoir observer des jeunes personnes mĂ»rir et dĂ©velopper des compĂ©tences scolaires et sociales. En outre, son Ă©quipe faisait preuve dâune grande loyautĂ© envers lui et ne reculait devant aucun effort. Il fit part de ses prĂ©occupations au directeur acadĂ©mique.
« LâexpĂ©rience et le retour efficace dâinÂforÂmaÂtions sont deux aspects essentiels de tout apÂprenÂtisÂsage impliquant un changement de comÂporteÂment. »
Ce dernier resta ferme sur ses positions, insistant sur le fait que la cirÂconÂscripÂtion bĂ©nĂ©ficierait de ce transfert et que le directeur dâĂ©cole finirait, une fois adaptĂ©, par apprĂ©cier sa nouvelle mission.
Deux ans plus tard, alors que le directeur acadĂ©mique Ă©tait toujours aussi satisfait du travail de lâancien directeur dâĂ©cole, ce dernier se sentait malheureux et insatisfait sur le plan proÂfesÂsionÂnel. Cet exemple montre lâapplication de la thĂ©orie X de la pire maniĂšre qui soit, Ă savoir une dĂ©cision prise de maniĂšre unilatĂ©rale âpour le bien de lâorÂganÂiÂsaÂtionâ et se prĂ©occupant peu du bien-ĂȘtre individuel. En effet, le directeur dâĂ©cole nâaurait pas pu refuser ce nouveau poste sans prendre le risque dâanĂ©antir toute possibilitĂ© de promotion future.
« Lâune des raisons principales pour lesquelles une bonne dynamique de groupe peut Ă©chouer est la crainte dâun conflit ou dâune forme dâhostilitĂ© qui nous pousse Ă adopter un comÂporteÂment malsain plutĂŽt quâĂ agir de maniĂšre conÂstrucÂtive. »
Ă lâinverse, dans une cirÂconÂscripÂtion pratiquant la thĂ©orie Y, le directeur dâĂ©cole et son supĂ©rieur hiĂ©rarchique auraient ouvert un dĂ©bat franc et respectueux Ă propos de leurs besoins et de leurs ressentis rĂ©ciproques. Le directeur acadĂ©mique aurait alors encouragĂ© le directeur dâĂ©tabÂlisseÂment Ă examiner lâoffre qui lui Ă©tait faite et lâaurait assurĂ© de son soutien durant la pĂ©riode de transition.
La thĂ©orie Y et lâautoritĂ©
Les managers pratiquant la thĂ©orie Y peuvent et doivent agir avec autoritĂ© et dĂ©termination car câest Ă eux quâincombe la reÂsponÂsÂabilitĂ© ultime de trouver des solutions aux problĂšmes. Lorsquâune crise intervient, ils doivent dĂ©cider des actions Ă enÂtreÂprenÂdre sans que cela implique de devoir invalider la thĂ©orie Y. En effet, ils doivent continuer Ă traiter leurs colÂlabÂoÂraÂteurs de façon Ă©quitable sans mettre en doute leur motivation et asseoir leur fermetĂ© en se sĂ©parant, sâils le jugent nĂ©cessaire, de certains employĂ©s, notamment les adeptes de la thĂ©orie X.
Apparence et réalité
Des managers Ă©nergiques et auÂtoriÂtaires, quâun observateur externe pourrait percevoir comme manquant de la politesse la plus Ă©lĂ©mentaire, dirigent souvent des colÂlabÂoÂraÂteurs motivĂ©s et fidĂšles. Prenez lâexemple de cette responsable qui ne cessait de vocifĂ©rer contre son Ă©quipe, qui nâhĂ©sitait pas Ă lui tenir des propos injurieux et Ă menacer ses membres de sanctions disÂciÂplinaires. Vous seriez tentĂ© de conclure que cette manager est lâincarnation dantesque de la thĂ©orie X et quâelle constitue un paroxysme en matiĂšre de dysÂfoncÂtionÂnement. Pourtant, ses colÂlabÂoÂraÂteurs font preuve de motivation, surpassent souvent leurs collĂšgues travaillant dans dâautres dĂ©partements et paraissent satisfaits et comblĂ©s.
« Un autre facteur important mettant en pĂ©ril la dynamique de groupe consiste Ă croire, Ă tort, que lâefficacitĂ© du groupe repose uniquement sur les Ă©paules du leader. »
Dans ce cas de figure, la responsable manifeste, en dĂ©pit de sa brusquerie, un intĂ©rĂȘt sincĂšre pour ses colÂlabÂoÂraÂteurs. Elle se prĂ©occupe de leur famille, fait preuve de comprĂ©hension, offre son appui en cas de conflit et invite tous ses colÂlabÂoÂraÂteurs Ă dĂ©jeuner plusieurs fois par annĂ©e pour montrer son apprĂ©ciation. Elle soutient fermement son Ă©quipe si elle estime que la direction lâa malmenĂ©e et est prĂȘte Ă mettre son poste en pĂ©ril lorsquâil sâagit de dĂ©fendre ses employĂ©s. Ainsi, lorsque les colÂlabÂoÂraÂteurs sont convaincus que leur manager est honnĂȘte et digne de confiance, ils ont alors suffÂisamÂment dâassurance pour rĂ©aliser un travail exÂcepÂtionÂnel.