Livre Le repositionnement stratégique

Po­si­tion­nement et repo­si­tion­nement

Le po­si­tion­nement et le repo­si­tion­nement sont deux concepts étroitement liés. Dans les deux cas, il vous faut comprendre comment le public vous perçoit, vous et votre marque. Le po­si­tion­nement est ‘la manière dont vous vous démarquez dans l’esprit de votre prospect’ alors que le repo­si­tion­nement est ‘la manière de corriger les perceptions envers vous ou envers vos concurrents’.

« Une fois que le marché a pris position au sujet d’un produit, il est impossible de lui faire changer d’avis. »

L’homme a produit plus d’in­for­ma­tions au cours des trente dernières années qu’il ne l’a fait au fil des cinq millénaires précédents. Plus de 4000 livres sont publiés chaque jour et Internet s’enrichit d’un million de pages par jour. Ces chiffres ne cessent d’augmenter. Les médias nous bombardent quo­ti­di­en­nement de messages par le biais de plateformes diverses. Comment dans ce contexte, permettre à votre message de se distinguer de celui de vos concurrents ? Parvenir à vous frayer un passage dans cette avalanche d’in­for­ma­tions s’avère d’autant plus difficile que l’être humain montre de la réticence face à la complexité et fuit la confusion.

« Le marketing est une bataille des perceptions. »

Pour que le public se souvienne de votre message, il faut que ce dernier soit simple. Ef­forcez-vous de mettre l’accent sur le concept original qui différencie votre produit de celui de vos concurrents et veillez à élaborer un message simple autour de cette notion. Volvo, par exemple, se focalise sur la sécurité, alors que BMW met en avant le plaisir de conduire. Une fois que le public se rappelle de votre message et de sa simplicité, il le retiendra longtemps en mémoire. Repo­si­tion­ner votre marque dans l’esprit du con­som­ma­teur peut s’avérer complexe car ‘les esprits sont instables’. Bien que les individus ne parviennent pas à exprimer clairement ce qui motive leurs achats, les com­porte­men­tal­istes ont néanmoins identifié cinq raisons pour lesquelles un con­som­ma­teur pourrait ne pas acheter votre produit :

1. Le risque monétaire : Il aurait peur de perdre de l’argent.
2. Le risque fonctionnel : Il craint d’acheter un produit qui pourrait ne pas fonctionner.
3. Le risque physique : Pourquoi acheter un produit qui menace son bien-être ?
4. Le risque social : En achetant ce produit, il pourrait se couvrir de ridicule.
5. Le risque psy­chologique : Il pourrait regretter cet achat plus tard.

« Toute stratégie de repo­si­tion­nement débute en gardant la concurrence à l’esprit. »

Les con­som­ma­teurs ne sont pas seulement et plus que jamais bombardés de messages mais ils se retrouvent également devant une possibilité infinie de choix. La plupart des supermarchés référencent environ 40 000 produits différents alors qu’une famille moyenne n’en consomme que 150. Dans les années 1970, le con­som­ma­teur américain pouvait choisir entre 140 modèles de véhicules, s’agissant pour la plupart de marques nationales, alors qu’il peut dorénavant sélectionner sa voiture parmi plus de 300 références sur le marché américain. Le commerce local disparaît au profit d’un marché de plus en plus mondialisé. En outre, on assiste à une division des activités com­mer­ciales principales en sous-catégories. C’est le cas, par exemple, dans l’industrie in­for­ma­tique, dans laquelle le con­som­ma­teur peut opter pour l’achat d’un ordinateur portable, d’un notebook, d’un ordinateur personnel, d’une station de travail ou d’un mini-or­di­na­teur.

« Ce qui, auparavant, était considéré comme un marché national dans lequel les entreprises locales se livraient concurrence est dorénavant devenu un marché global unique dans lequel tous les acteurs rivalisent les uns avec les autres à l’échelle globale. »

Pour surmonter ces obstacles, il se peut que vous soyez amené à repo­si­tion­ner votre produit ou votre service. En effet, les entreprises opèrent ce repo­si­tion­nement pour faire face à trois forces qui exercent un impact sur l’activité commerciale, à savoir, ‘la concurrence, le changement et les crises’.

1. La concurrence

Au départ, les pro­fes­sion­nels du marketing considéraient le repo­si­tion­nement comme la détection d’une faiblesse dans votre situation con­cur­ren­tielle. Toutefois, si vous jetez la première pierre, vous pourriez fort bien vous retrouver plongé dans une bataille dont aucun des pro­tag­o­nistes ne ressortira gagnant.

« Si vous demeurez dans l’ombre de vos concurrents les plus importants et si vous n’affichez pas votre différence, vous serez toujours vulnérable. »

Repo­si­tion­ner des marchan­dises nécessite une différentiation au travers d’une ‘USP’ et se base sur les cinq stratégies suivantes :

1. Identifier : Apposer un nom sur votre produit comme Dole l’a fait pour ses ananas et Chiquita pour ses bananes.
2. Per­son­ni­fier : Le personnage du « Géant Vert » illustre par­faite­ment cette technique marketing.
3. Créer un nouveau produit générique : Les four­nisseurs des melons cantaloups ne souhaitaient pas que leur produit soit uniquement considéré comme un gros melon, c’est pour cela qu’ils ont introduit une nouvelle catégorie, celle des melons Crenshaw.
4. Modifier le nom : Si le nom original du produit ne séduit pas le con­som­ma­teur, veillez à le modifier. La groseille de Chine est maintenant connue sous le nom de kiwi.
5. Repo­si­tion­ner la catégorie : Lorsque le mot ‘porc’ est devenu connoté, les pro­fes­sion­nels du marketing décidèrent de le repo­si­tion­ner en tant ‘qu’autre viande blanche’.

2. Le changement

Le contexte commercial actuel est en perpétuelle mutation. Les avancées tech­nologiques contribuent à constamment altérer les règles du jeu. Les marques doivent en tenir compte et évoluer, faute de quoi, elles disparaîtraient. Ne tombez pas dans la com­plai­sance. Scrutez con­tin­uelle­ment l’horizon pour déceler les nouvelles tech­nolo­gies ou les produits sus­cep­ti­bles de constituer une menace pour la prospérité de votre entreprise.

« Les idées de repo­si­tion­nement les plus efficaces sont souvent les plus difficiles à faire accepter en raison de leur caractère négatif. »

Plus votre entreprise est importante, plus il est difficile d’instaurer le changement ou d’être flexible. La taille d’une entreprise ne joue pas forcément en sa faveur lorsqu’il s’agit d’être réactif au marché et aux changements tech­nologiques. Des études démontrent que plus l’entreprise s’agrandit et devient complexe, plus elle devient inefficace et im­pro­duc­tive, comme l’illustrent les exemples d’AIG ou de General Motors (GM). En outre, les grandes entreprises prospères ne recherchent généralement pas le changement. Elles souhaitent avant tout continuer à poursuivre les pratiques qui ont contribué à leur réussite.

« Les leaders du marché doivent avoir la volonté de s’affronter avec une meilleure idée. »

Pourtant, le changement peut parfois nuire à la réussite. Réfléchissez longuement et sérieusement avant d’envisager de remanier votre marque. Lorsque vous introduisez de nouvelles lignes de votre produit ou lorsque vous modifiez un produit phare, vous brouillez votre identité de marque. Gatorade était leader de son marché lorsque la marque décida d’élaborer un nouveau design pour son étiquette en remplaçant le mot Gatorade par la lettre ‘G’, ce qui contribua à faire chuter ses ventes de 4,5 %.

« Les idées vi­sion­naires entrent fatalement en conflit avec les objectifs personnels d’un individu. Ce qui étouffe souvent dans l’œuf tout projet devant se frayer un chemin jusqu’au sommet de l’échelle hiérarchique pour obtenir l’au­tori­sa­tion finale. »

À l’inverse, White Castle a très peu modifié son image depuis les années 1920 mais reste néanmoins un leader de la restau­ra­tion rapide. Une des raisons pour lesquelles White Castle parvient à résister au changement est le fait qu’il s’agit d’une entreprise privée. Les entreprises publiques dépendantes de Wall Street doivent faire face à la pression du marché qui les incite à s’agrandir et à évoluer, les poussant ainsi à rechercher les résultats à court terme au détriment des profits à long terme.

3. Les crises

Le repo­si­tion­nement s’avère souvent nécessaire suite à une crise. Il peut s’agir d’une macro crise ou d’une micro crise. Une macro crise affecte tous les acteurs économiques comme dans une situation de ralen­tisse­ment économique. Une micro crise affecte une seule entreprise, comme dans le cas de GM, dont l’avenir repose sur sa stratégie de repo­si­tion­nement. Ainsi, pour survivre, GM doit identifier un concept unique et distinct pour chacune de ses quatre marques (Chevrolet, Buick, Cadillac and GMC), qui soit capable de les différencier entre elles.

« L’histoire regorge de prévisions audacieuses qui n’ont pas tenu leurs promesses. »

Le repo­si­tion­nement consiste certes à adapter, plutôt que modifier, les perceptions des individus mais vous devez toutefois considérer ce mécanisme comme un processus progressif, qu’il ne faut en aucun cas précipiter. Votre stratégie de repo­si­tion­nement doit être en ligne avec les perceptions existantes des con­som­ma­teurs. Il est d’usage, lors du lancement d’une campagne de repo­si­tion­nement, de considérer ‘la publicité d’abord, la réclame ensuite’. Votre stratégie de repo­si­tion­nement devrait idéalement provenir d’une source extérieure d’où l’importance des relations publiques (RP). Élaborez votre campagne posément, en vous concentrant d’abord sur votre public cible principal.

« Les avions sont des jouets intéressants mais n’ont aucune utilité militaire. » (Maréchal Ferdinand Foch, 1911)

Les campagnes de repo­si­tion­nement sont efficaces à condition que les cadres dirigeants de l’entreprise y adhèrent et les soutiennent. Ainsi, il est impératif d’obtenir leur aval. Les leaders compétents et qui font preuve de ‘flexibilité, de courage et d’audace’ ne délègueront pas un sujet aussi important.

Repo­si­tion­ner les obstacles

À quels obstacles vous attendre lorsque vous suggérez d’entamer une campagne de repo­si­tion­nement ? La première difficulté consiste à atteindre la personne habilitée à prendre les décisions pour lui présenter votre proposition. En effet, si les personnes pertinentes ne sont pas présentes, le meilleur des exposés n’aura que peu d’effet.

« Qui diable voudrait entendre les acteurs parler ? » (Harry Warner, Warner Brothers, 1927)

Les individus opposent de la résistance lorsqu’ils perçoivent certaines idées comme une menace pour leur ‘poule aux œufs d’or’, à savoir le produit ou service qui a contribué à leur réussite financière. Gillette illustre par­faite­ment la manière de contourner le problème, en s’attaquant constamment à ses lames de rasoir, produits qui constituent de véritables ‘poules aux œufs d’or’ pour l’entreprise et en s’efforçant sans cesse de les améliorer. Cette volonté de se remettre en question a permis à Gillette de continuer à prospérer.

« Gardez-vous de vouloir déployer une stratégie de po­si­tion­nement ou de repo­si­tion­nement trop recherchée ou trop élaborée. Rester simple et cohérent suffira amplement. »

Il se peut que vous vous heurtiez à certains égos profondément ancrés lorsque vous tenterez de convaincre de la pertinence de votre stratégie de repo­si­tion­nement. Peu d’individus ont suff­isam­ment confiance en eux pour admettre qu’ils se trompent. Agir avec patience et tact contribuera à éviter de mettre vos in­ter­locu­teurs sur la défensive. Utilisez des anecdotes, expliquez votre point de vue et rap­pelez-vous que les solutions les plus efficaces sont souvent les plus ‘évidentes’. Pour déterminer si votre projet est concis et tangible, con­fron­tez-le aux arguments suivants :

• Le problème paraîtra simple une fois résolu : Bien souvent, les individus passent souvent à côté de la solution évidente. Les idées complexes ne sont jamais évidentes.
• Tient-il compte de la nature humaine ? La solution logique ne diffèrera pas sen­si­ble­ment de la perception existante.
• Notez-le sur papier : Pouvez-vous exposer votre projet de manière rapide et succincte ?
• Con­stitue-t-il une véritable révélation ? : La solution la plus logique et la plus évidente nous pousse à nous demander pourquoi nous ne l’avions jamais envisagée auparavant.
• Est-ce le bon moment ? Une solution en avance ou en retard sur son temps sera vouée à l’échec. Mettez en place votre projet de repo­si­tion­nement au bon moment.